Les créations

De l'Enfant au Vieillard intérieur

De l'Enfant intérieur au Vieillard intérieur

Du « Encore-là » au « Déjà-là »
Article paru dans la revue Recto-Verseau n°208 - Avril 2010

Les blessures affectives ne sont jamais tout à fait cicatrisées et l'enfant que nous étions continue à gratter à la porte de la mémoire. L'adulte que nous sommes devenu est si maladroit parfois à entrouvrir cette porte, comme il ouvrirait la porte au petit chat qui miaule de froid dans le jardin. Nous projetons sur les enfants que nous rencontrons, les nôtres, les autres, cette compassion ou cette colère que nous ne savons pas gérer avec nous-mêmes. Nous imaginons leurs besoins, et nous ne sommes pas conscients de nos propres besoins. Même dans nos rencontres d'amour, qu'elles soient fusionnelles ou conflictuelles, c'est souvent « l'enfant » en nous qui s'accroche à « l'enfant » dans l'autre.

Nous connaissons plus ou moins cette expérience de rencontre avec l'enfant intérieur. Ce goût de madeleine qui nous plonge soudain dans une mémoire ancienne où l'enfant que nous étions conteste l'adulte que nous sommes devenus. Peu d'entre nous toutefois ont croisé le vieillard intérieur.

Si ce que nous appelons l'enfant intérieur est une trace, une empreinte, une mémoire de l'enfant que nous étions, n'oublions pas l'existence, mémorisée en nous, du vieillard que nous serons !

Mémoire du futur

Comme le gland porte déjà en lui le chêne qu'il deviendra, chaque être porte en lui une mémoire du futur.

J'ai fait l'expérience d'une rupture dans l'espace-temps. J'ai rencontré mon maître intérieur, ce que j'appellerai plus tard dans le Référentiel de Naissance, le noeud nord ou encore « la part du Doyen ». Il s'agit d'un souvenir du futur. L'homme que je n'étais pas encore devenu, me rendit visite dans mon enfance.

J'avais sept ou huit ans, le chagrin m'avait envahi, j'étais assis sur une marche d'escalier dans la cour de récréation de cette école de la Madonette, où une petite madone veillait avec sagesse sur les enfants. Je ne me rappelle pas pourquoi je pleurais, peut-être ne le savais-je pas moi-même. Un homme d'une quarantaine d'années s'est approché de moi, il s'est assis à mes côtés, avec un sourire rassurant. Il émanait de lui une sorte de douce chaleur qui m'enveloppa et me consola. J'avais envie d'être cet homme. Puis les années ont passé. Je ne peux pas oublier ce jour où, professeur dans un établissement scolaire, mon regard croisa le regard d'un petit bonhomme de sept ou huit ans qui, assis sur une marche, semblait pris d'un chagrin inconsolable. Je me suis approché de lui, je n'ai pas vraiment trouvé les mots, mais ma présence silencieuse lui a fait beaucoup de bien.

Bien sûr, quand on rencontre un enfant qui pleure, c'est un peu l'enfant en soi que l'on croise à nouveau, c'est un peu l'enfance qui pleure. Mais ce jour-là, je fus bouleversé par une prise de conscience qui fut déterminante pour le reste de ma vie. Je me revoyais soudain moi-même trente ans plus tôt, assis sur ces mêmes marches, ébranlé par le même chagrin. Mais surtout je voyais s'approcher de moi...un autre « moi-même », trente ans plus âgé... Pendant quelques secondes, une rencontre hors l'espace et le temps s'était déroulée entre l'enfant en moi et l'adulte en moi. Bien sûr, pour l'heure, ce n'était pas un vieillard ! sauf si on admet que pour un enfant de 7 ans un homme de quarante est quasiment un vieillard ! Mais l'idée qui consiste à chercher en soi « le sage » qui n'est pas encore là tout en étant déjà là, m'a souvent tiré vers le haut.

- « Je me souviens déjà du baiser que tu ne m'as pas encore donné », chante le poète.
« Souviens-toi de ton futur », lance le Talmud.

Le Tarot, porteur de mémoire

Les Arcanes du Tarot se présentent à nous comme des archives symboliques éternelles. Trésors d'archétypes, de mythes archaïques, de récits fondateurs. En ce sens, le Tarot est mémoire et miroir, donc outil de thérapie globale. Il n'exclut aucune dimension, ni psychologique, ni spirituelle, ni même énergétique. C'est dans cette approche que s'inscrit le Référentiel de Naissance, que j'ai créé dans les années 80, là où les archétypes universels du Tarot s'individualisent dans l'expérience et le vécu de chacun.

Alors que j'étais à la lisière de tout, le Tarot m'a convoqué à l'abîme du Tout. Il a fait de moi son Pèlerin. Un Pèlerin qui traverse toutes sortes de déserts, habités seulement par la mémoire fossilisée des parcours premiers.

Pour se repérer, il n'a ni GPS, ni boussole. Il repère et ausculte de minuscules signaux empreints d'émotions anciennes...Disons d'émotions premières. L'ensoleillement d'une caresse au réveil, l'amitié sans faille d'un chien un peu névrosé, la senteur des oranges dans un jardin espagnol.

L'Hermite du Tarot de Marseille, ou le Mejnoun du Tarot de Marrakech, sont des navigateurs de la mémoire, ils ignorent les frontières car ils les dépassent à chaque pas accompli vers les retrouvailles avec soi-même. Ce personnage remplit toutes les fonctions de l'éclaireur. Il éclaire. L'Hermite prend des risques, la prudence est son mot-clef, d'où sa ressemblance avec le vieux Saturne ! L'histoire est surpeuplée de ces sages, essentiellement préoccupés d'aider l'humanité à évoluer, et qui sont morts de façon tragique. Socrate assassiné, Pythagore assassiné, Jésus assassiné, Gandhi assassiné ! Et Martin Luther King et le père de Foucault ! Tous sont là, présents en moi, m'appelant au dépassement, comme est présent aussi en moi, le Mozart assassiné de Saint Exupery.

Se chercher soi-même, se trouver, être à la fois l'explorateur et le territoire, organiser au mi-temps de sa vie la rencontre entre l'enfant et le vieillard, voilà le vrai sens de la thérapie. D'Oedipe à Proust le constat est le même, toute thérapie est une retrouvaille... Toute retrouvaille est une thérapie.

L'alchimie de cette rencontre se fait, ou ne se fait pas, grâce à l'esprit de conquête symbolisé par le Chevalier intérieur. Il porte en lui la fougue, l'arrogance et la vitalité de l'adolescent, mais cela est une autre histoire qui sera contée une autre fois...

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de Georges Colleuil


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